
Haute-Route
Itinéraire de ski de randonnée mythique reliant Chamonix à Zermatt par la haute montagne.
Mars 2025. Un créneau et des dispos ! La folle équipée de 6 copains se lance sur une variante plus sauvage de l'itinéraire bien connu en ce début de saison et en semi-autonomie. Nous n'avons que 4 jours et nous décidons donc de partir directement de Verbier pour rejoindre Zermatt à skis, la complète attendra. 40km en 4 jours, 3786 mètres de dénivelé, des refuges non gardés et des sacs bien lourds. Récit en images.



Source fond de carte Swisstopo
Départ
Monter à la cabane de Montfort c'est un peu aller à contre-courant, le long des pistes et des skieurs. Après avoir pris l'option des remontées mécaniques depuis le bas de la station faute de neige, nous arrivons au refuge sous une chaleur accablante. Devant nous le col de la Chaux que nous emprunterons le lendemain et qui nous ouvrira les portes de ce massif sauvage.




Remontée au col de la Louvie
Du col de la Chaux, nous plongeons puis remontons le col de la Louvie, altitude 2921 mètres. La tempête de ciel bleu se confirme, le vent souffle par petites brises et le soleil ne tape pas trop fort, laissant la neige décailler lentement. Seuls quelques hélicoptères d'héliski rompent le silence à mesure que nous gravissons la première cime du parcours : La Rosablanche, à 3336 mètres.



Rosablanche, 3336 mètres
Premier sommet du raid, nous laissons les skis et cramponnons sur l'arête débonnaire. Devant nous s'ouvre le massif du Mont-Blanc et toutes ses cimes enneigées. Nous décidons de rebasculer à ski en face Ouest entre des vires éparses et des pentes ne dépassant pas le 40° pour rejoindre le col de Sovereu, à l'altitude 3109 mètres. Les sacs sont lourds et rendent le ski "à cul", plus complexe à gérer dans l'alternance de neige trafole et ventée.

Au sommet de Rosablanche



Du col de Sovereu, une grande pente Est nous permet de rebasculer au pied de l'étape du jour. La neige se fait plus lourde à skier alors que nous approchons des douze coups de midi. Au terme d'une dernière remontée haletante, nous rejoignons finalement l'igloo des Pantalons Blancs surplombant son glacier éponyme.






Igloo des Pantalons Blancs
L'igloo se dresse, construction inédite à quelques 3280 mètres d'altitude. L'abri circulaire surplombe les glaciers alentours et dispose de toutes les commodités pour les skieurs autonomes : 15 lits, poêles et vaisselle , casseroles, lits et couvertures, gaz... A ses côtés se tiennent deux cabanes, l'une équipée de toilettes sèches, l'autre faisant office d'espace de stockage divers. Une scie permet de couper du bois pour le soir et la neige abondante sera vite transformée en eau. Alors que le soleil décline, notre groupe de six copains mesure la chance de partager cet espace hors du temps dans le silence seulement troublé par les rires et les discussions sur l'itinéraire du lendemain.
A propos de l'abri, même non gardé, tout accès doit se faire via réservation préalable auprès des gérants : https://www.sac-cas.ch/fr/cabanes-et-courses/portail-des-courses-du-cas/refuge-igloo-des-pantalons-blancs-2147000199/. Pensez à couper le gaz après votre passage et laisser le lieu tel que vous l'avez trouvé.







Jour 3. Pigne d'Arolla
Nous quittons le Igloo, direction plein Sud pour redescendre dans une pente plus raide où le cheminement entre les barres rocheuses (qui s'annonçait épineux à la lecture de la carte) s'avère finalement plus simple. La neige n'est pas tracée mais reste légère et suffisamment abondante pour avoir chargé la face. Nous plongeons dans un petit couloir pour redescendre jusqu'au lac des Dix avant de remonter aux pieds de la cabane du même nom. Direction la fameuse Pigne d'Arolla et sa Serpentine si redoutée.

Source fond de carte Swisstopo







La fameux passage entre les barres, finalement plus simple à franchir qu'annoncé sur la carte.

Pigne d'Arolla et Serpentine
A l'assaut de la fameuse Pigne d'Arolla, le vent se lève. D'abord calme, il s'intensifie pour devenir bourrasques puis gifle continue. La progression continue mais photographier devient plus compliqué. Aux pieds de la Serpentine, passage clé de la traversée, décision est prise de porter les skis et de cramponner sur la glace parfois vive. Pas d'encordement mais chute interdite, elle nous précipiterait au bas dans les séracs et les tourments du glacier. Le vent se calme peu à peu et nous joignons le col puis le sommet à quelques 3 787 mètres d'altitude, point culminant du voyage.




Sommet de la Pigne d'Arolla, altitude 3787 mètres.

La bascule
Du sommet, nous redescendons jusqu’à la cabane des Vignettes, non sans une pensée pour la tragédie du 29 avril 2018. Ce jour là, sept skieurs ont perdu la vie sur le même itinéraire que nous empruntons. Pour nous les conditions sont clémentes et le refuge s'offre rapidement au terme d'une descente sur une neige trafolle et plutôt légère. Les sacs se font moins lourds mais la fatigue compense.





Les Vignettes, l'impasse.
Les vignettes fermées, nous prenons nos quartiers dans le refuge d'hiver. Dehors le vent s'est levé dans la nuit. Après un conciliabule matinal, décision est prise de descendre sur Arolla et renoncer à rejoindre Zermatt. 50 km/h de vent constant, des rafales à 80-90, certains organismes à la marge physique réduite et le souhait de profiter de la montagne avant tout ont poussé cette décision. C'est avec une petite pointe d'amertume que nous suivons notre choix collectif et clôturons ce raid.
La tête déjà pleine de beaux souvenirs, le plus important reste de tous rentrer en sécurité. Nous y reviendrons.



La descente sur Arolla sur le glacier de Pièce
